opinion


Parce qu’on est en 2016

Je suis triste. J'aurais voulu que l’auteur par lequel le scandale est arrivé ait erré. Et que toute cette affaire autour du personnage incontournable qu’était Claude Jutra ne s’avère qu’un coup fumant, qu’une autre histoire de marketing à l’américaine. Mais une victime est sortie de l’ombre. C’est déjà une de trop. L’icône Jutra est à jamais déboulonnée. Son œuvre demeurera une œuvre marquante mais également marquée. Marquée au sceau du dernier des tabous qui, non seulement n’est pas en voie de disparaître, mais s’inscrit désormais dans la liste des transgressions inadmissibles pour une société qui aspire à protéger ses enfants.

Je n'aime pas voir une de nos icônes tomber. J’ai l’impression que c’est le Québec qui s’affaiblit à chaque fois. Mais en même temps, je suis toujours rassuré de voir une victime dénoncer son abuseur, avec tout le courage que cela suppose. Parce qu’à chaque fois, c’est un être humain qui reprend sa dignité et qui donne envie à un autre d’en faire autant. Qui remet la responsabilité d’un acte répréhensible à la seule personne qui devrait en faire les frais. Dans le cas qui nous occupe, l’abuseur est mort et enterré et ne pourra jamais faire face à la justice. Mais en brisant le silence, la victime fait un pas incommensurable pour elle-même et, par ricochet, pour la société toute entière.

Comme plusieurs, j’ai questionné la manière dont cette bombe a été larguée et surtout, cet appel aux victimes potentielles par certains, lesquelles se sont retrouvées malgré elles sous la pression médiatique. L’histoire nous dira si c’était une bonne chose mais en attendant, la lumière se fait peu à peu sur cette sordide affaire qui ternit à jamais la réputation d’un monument. Il faudra peut-être aussi, un beau jour, faire la lumière sur ce qui pousse des êtres de génie vers cette part d’ombre qui leur font broyer des vies. Parce que le temps où l’on occultait ces questions est révolu. Parce que la vérité vaut plus que les tous trophées et tous les galas du monde. Parce que, pour paraphraser notre plus récent et jeune premier ministre, on est en 2016.

Robert Campeau

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