on blogue...


Parce qu’on est en 2016

Je suis triste. J'aurais voulu que l’auteur par lequel le scandale est arrivé ait erré. Et que toute cette affaire autour du personnage incontournable qu’était Claude Jutra ne s’avère qu’un coup fumant, qu’une autre histoire de marketing à l’américaine. Mais une victime est sortie de l’ombre. C’est déjà une de trop. L’icône Jutra est à jamais déboulonnée. Son œuvre demeurera une œuvre marquante mais également marquée. Marquée au sceau du dernier des tabous qui, non seulement n’est pas en voie de disparaître, mais s’inscrit désormais dans la liste des transgressions inadmissibles pour une société qui aspire à protéger ses enfants.

Je n'aime pas voir une de nos icônes tomber. J’ai l’impression que c’est le Québec qui s’affaiblit à chaque fois. Mais en même temps, je suis toujours rassuré de voir une victime dénoncer son abuseur, avec tout le courage que cela suppose. Parce qu’à chaque fois, c’est un être humain qui reprend sa dignité et qui donne envie à un autre d’en faire autant. Qui remet la responsabilité d’un acte répréhensible à la seule personne qui devrait en faire les frais. Dans le cas qui nous occupe, l’abuseur est mort et enterré et ne pourra jamais faire face à la justice. Mais en brisant le silence, la victime fait un pas incommensurable pour elle-même et, par ricochet, pour la société toute entière.

Comme plusieurs, j’ai questionné la manière dont cette bombe a été larguée et surtout, cet appel aux victimes potentielles par certains, lesquelles se sont retrouvées malgré elles sous la pression médiatique. L’histoire nous dira si c’était une bonne chose mais en attendant, la lumière se fait peu à peu sur cette sordide affaire qui ternit à jamais la réputation d’un monument. Il faudra peut-être aussi, un beau jour, faire la lumière sur ce qui pousse des êtres de génie vers cette part d’ombre qui leur font broyer des vies. Parce que le temps où l’on occultait ces questions est révolu. Parce que la vérité vaut plus que les tous trophées et tous les galas du monde. Parce que, pour paraphraser notre plus récent et jeune premier ministre, on est en 2016.
 


Robert Campeau

Déshabiller Paul pour habiller Jean?
(1er septembre 2015)

Comme il était rafraîchissant, en cette ère de coupures tous azumuts, d’entendre notre super maire Coderre promettre rien de moins qu’un Central Parc montréalais sur le site de l’ancienne carrière Miron, à l’occasion du 375ième anniversaire de Montréal. En entendant la nouvelle, je n’ai toutefois pu m’empêcher de penser au décor désenchantant de l’Île Notre-Dame, cette «île inventée» qui fit jadis les beaux jours de l’Expo 67, qui abrite aujourd’hui le Casino de Montréal, une piste de course et un désolant restant de Floralies...

Situé au coeur du fleuve St-Laurent, ce joyau patrimonial traversé de canaux, qui a longtemps été une oasis où il faisait bon se balader, semble aujourd’hui laissé à lui-même, avec ses clôtures Frost servant à diriger les foules lucratives de méga foires comme Osheaga, sans oublier ses rangées de toilettes chimiques installées un peu partout, sa végétation souvent à l’abandon, ses toilettes publiques nauséabondes. À notre dernière virée à vélo cet été, une amie et moi nous sommes même désolés pour les touristes qui s’y rendent, qui doivent découvrir avec tout autant de stupeur ce lieu en désuétude que les guides touristiques ne laissent sans doute en rien deviner. Nous avons poussé l’audace jusqu’à questionner un employé qui s’y trouvait. Il a commencé par défendre son lieu de travail, pour ensuite opiner du bonnet et nous avouer que les coupures avaient eu raison, au fil des dernières années, de l’ensemble de l’oeuvre.

L’idée de marquer le coup, avec un tout nouveau parc comparable aux plus grands, est sans doute enthousiasmante pour notre maire porté sur le succès et les résultats. Mais une véritable vision, pour Montréal, ne devrait-elle pas passer par une prise en compte et une redynamisation des infrastructures existantes avant de foncer tête première dans des projets qui flashent et frappent l’imaginaire? Comment peut-on penser à offrir un ‘Central Park’ aux montréalais alors qu’on lésine sur les moyens à mettre en place pour faire de nos parcs existants (Jean-Drapeau, Lafontaine, Maisonneuve etc.) des lieux à la hauteur de nos prétentions internationales?

Robert Campeau






La star déchue (mars 2015)
Son image était lisse et propre, astiquée par des décennies de travail acharné et un succès amplement mérité. L’homme à la dentition parfaite, qui mangeait bio, qui avait défié les lois du showbiz en réussissant à passer, sans avoir à vieillir, du statut d’artiste quétaine à celui de branché grâce, notamment, à ses imitations déjantées du Bye Bye, avait même réussi, sans trop de remous, à faire partie des premiers couples gais à bénéficier du programme de fécondation in vitro payé par la RAMQ. Fallait-il que son capital de sympathie soit énorme. 
Mais voilà que ce capital a fondu comme neige au soleil et que le printemps pourrait s’avérer âpre pour sa famille et lui. Comment, en effet, imaginer plus grande humiliation pour celui à qui tout semblait réussir? D’autant qu’il a commencé par nier les faits en inventant une histoire de pipi aussi peu crédible que pathétique. Déjà, dans les réseaux sociaux, les commentaires les plus homophobes ressurgissaient à travers ceux – beaucoup plus nombreux, c’est déjà ça de pris - dégoulinants de compassion. C’était soit l’absolution immédiate et totale de ceux qui le déifient, soit la condamnation peu subtile de ceux qui semblaient n’attendre que ça. Entre les deux, Dany Turcotte y est allé d’un plaidoyer pour le droit à la vie privée de son ami Joël. Le hic, c’est que ce dernier cultive son image publique depuis des lustres et que l’acte pour lequel il fait aujourd’hui les choux gras a été commis dans un lieu qui est tout, sauf privé. 
Monsieur Legendre n’aura pas besoin qu’on en rajoute. L’homme (et les siens, car il y a plusieurs victimes collatérales dont on ne parle pas dans cette histoire, à commencer par son fils qu'il n'a jamais préservé de sa notoriété) subira pendant longtemps, sinon à vie, les contrecoups de cette erreur de jugement. Et la honte ne fera pas de cadeau à celui qui a donné ses premières lettres de noblesse (publiques, encore une fois) à l'homoparentalité masculine. Peut-être, comme certains l’ont évoqué, a-t-il commis là une sorte de suicide artistique. Un peu comme le suicide politique de l’ex ministre Claude Charron, quand celui-ci avait volé un veston chez Eaton et qu’il avait dû se démettre de ses respectables fonctions. La pression est forte chez l’homme qui s’approche de la perfection. 
Souhaitons seulement qu’il ne se retrouvera pas trop rapidement à l'autel dominical de Tout le monde en parle et que le public ne lui fera pas trop rapidement une ovation, comme Il a pris la fâcheuse habitude de le faire devant la moindre prestation. Car il s’agit ici d’un événement qui mérite de demeurer dans son contexte, qui appelle au silence bien plus qu’aux applaudissements. Si l’on est tous plus ou moins touchés devant cette star aux mille talents tombée de son socle, on doit aussi se questionner sur le culte du vedettariat qui pousse certains artistes à commettre des actes qui se retournent contre eux. En cette ère où le moindre concours consiste à nous offrir nos quinze minutes de gloire, celles de Joël Legendre avaient le mérite d’avoir été bâties patiemment, parfois à l’arraché, au fil d’un temps qu’on ne prend presque plus. 
L’occasion est maintenant belle, pour la bête médiatique qu’il était devenu, de laisser tomber les campagnes d’image, de transformer cette expérience en quelque chose qui pourrait le grandir véritablement. Et donner sa pleine mesure à cet animateur-chanteur-acteur qui n’a jamais été, au fond, qu’un gars ben ordinaire. 
Robert Campeau

1 commentaire:

Alain Duaner a dit…

La star ne décide pas sciemment son suicide mais on peut plutôt voir l'acte "répréhensible " comme protégé par une carapace de lumière imaginaire composée par notoriété de leur personnage, leur laissant croire à une invincibilité arbitraire, une impunité que les forces policières, médiatiques et populaires auront vite fait de subitement anéantir.
La notoriété est d autant plus fragile que la Star, tout comme le politicien et comme bien d autres notables agissent comme si le poids de leur bonne réputation pouvait les soustraire à la guillotine des lois aveugles.
Est-ce qu'on peut voir quelque part le récit détaillé par l'acteur lui-même.
L inconscience fait aussi partie de l'humain le plus valeureux.
Est-ce que les gens qui l'ont dénoncé, arrêté réalisait à cet instant la suite des choses? Est-ce que c était un acte utile à la société ou à quiconque de faire basculer la vie de Joël.
Les pires assassinats se font sans arme.